Le savoir est une arme. (La vignette culturelle et historique)

LES CLAQUES VOL.2

La vitalité de la scène battle en France était très importante avant la crise sanitaire qui a débuté en mars 2020. Tous les week-ends, il y avait entre quatre et six événements, parfois de grands battles internationaux (battle dont les groupes étrangers constituent au moins le tiers des participants). Avant la crise, toutes les grandes villes avaient leur battle annuel et de plus en plus de villes de moyenne envergure se sont mises à organiser le leur. Certains d’ailleurs sont devenus des rendez-vous immanquables. Au fil du temps, les battles sont passés de moments ne regroupant que les plus passionnés à des évènements fédérateurs et accessibles à tous. En effet, désormais les battles peuvent réunir au sein d’un même public, enfants, adolescents, parents et parfois aussi grands-parents.

Au moment de l’écriture de cet article, cette même scène reprend petit à petit son souffle dans l’ambiance des restrictions imposées et dans un contexte qui a évolué et qui va faire évoluer l’univers de la danse Break / Breaking avec l’inscription officielle de la discipline aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris. 

Bien que les danses Hip Hop connaissent un essor important et bénéficient d’une visibilité croissante, bien qu’elles commencent à générer un statut reconnu dans l’univers de l’art chorégraphique, la réalité de leur pratique reste méconnue sans parler des enjeux importants liés à leur institutionnalisation.

Comme toute discipline d’expression corporelle, il est difficile d’expliquer le Breaking au-delà de la description des mouvements qui le composent. Il en va de même pour la Culture Hip Hop dans sa globalité. Son assimilation et sa compréhension sont de l’ordre du vécu. C’est l’une des raisons qui m’a amené à me déplacer inlassablement dans ces évènements afin d’en vivre l’essentiel et d’en comprendre le fonctionnement.

Depuis novembre 2006 jusqu’à la fin de l’année 2012, à raison de deux week-ends sur quatre, je me suis déplacé dans des battles, des jams (événements/manifestations artistiques Hip Hop ou de cultures urbaines). Soit en tant que speaker (présentateur), soit juste en tant que spectateur.

Beaucoup de rencontres, de liens tissés, beaucoup d’échanges et de discussions avec des gens qui ont comme intérêt principal la danse et son développement et qui parfois ne vivent que par et pour cette discipline. 

Pour la partie 2 des Claques, je reviens sur un événement qui a confirmé mon intérêt pour le Breaking et ma passion pour la Culture Hip Hop. Ecrire cet article me permet aussi de rendre hommage à un activiste des plus passionnés qui a contribué à faire vivre la Culture Hip Hop avec ses valeurs originelles et qui,  à travers ses actions ont démontré l’importance de l’échange et de la transmission. Il fait partie de mes inspirations en tant que speaker.   R.I.P David MexOne Alvarado 

Evolution III 16, 17 et 18 mars 2007 – Fort Lauderdale / Miami 

Comme raconté dans la précédente newsletter, j’intègre l’équipe des modérateurs du site Bboyworld en 2006, ce qui m’amène à avoir une relation privilégiée avec Erwin Mahroug, le  PDG de la structure. A cette époque, le réseau social le plus utilisé était Myspace, et grâce à ce dernier, il était désormais possible d’échanger de façon régulière avec des gens situés à des milliers de kilomètres.

Lorsque j’ai appris les dates de l’événement « EVOLUTION III » (16 au 18 mars 2007) en Floride, j’ai pris mon billet sans hésiter. Jusque-là, mes déplacements liés au mouvement se limitaient à la France ou en Europe quelques fois. En tout cas, l’idée de franchir l’Atlantique pour un événement Hip Hop était un rêve qui était en train de se réaliser. Être sur place trois jours avant et revenir deux jours après semblait être un bon programme. Avant de partir, je me suis mis en contact avec le représentant de BBOYWORLD de l’époque en France et avec des membres du crew DEF DOGZ qui avaient également prévu de faire le voyage et notamment, Karim, B.Boy Roméo et B.Girl Anne (Nguyen).

Dans l’avion, quasiment tous les B.Boys étaient français : tout le groupe Alliance, les Joyeux Loufoques, quelques B.Boys de Paris et forcément l’ambiance joviale qui va avec…

Arrivé à l’aéroport, plusieurs vans ont été mobilisés pour accueillir les danseurs qui ont gagné les pré-sélections. En ce qui me concerne, je fus accueilli et pris en charge par Mex One qui, à cette époque, était le collaborateur américain du site et de la structure BBOYWORLD. Je me retrouve sur le siège passager du van qu’il conduit et une partie des Gamblers sur les sièges de derrière. Avec son accord, j’ai pris mon appareil photo et j’ai immortalisé ce moment. Après avoir déposé les Gamblers à leur hôtel, c’est Mack Moore (bassiste du Groupe FUSIK) qui prend le relai et nous conduit pour une balade dans Miami avec une pause à la plage. Suite à ça, Mex One m’invite à venir chez lui et me présente à toutes les personnes présentes. Ce dont je me souviens c’est qu’il y avait Erwin, Roxrite, Speed D, ainsi que Felix, Mack Moore et Sanchez respectivement batteur, bassiste et guitariste du groupe FUSIK. J’ai aussi passé un bon moment à discuter avec Spen One qui est l’infographiste de la bande. 

Vendredi 16 Mars 2007 – Premier jour de l’événement : les sélections.

Les groupes invités, Phase T (France) ou encore Gamblerz (Séoul), ou ceux qui ont gagné les qualifications comme Alliance, obtiennent leur place directement dans le top 16 et ne dansent que le troisième jour : le dimanche. Le reste des groupes doit passer par les sélections. Ces dernières allaient forcément être longues : plus de 40 groupes inscrits dont le niveau de la majorité est très élevé. Forcément,

le price money de l’évènement est de 20 000 dollars. Bien que se prélasser sur l’une des plages de Miami aurait été une option plus que satisfaisante, je ne voulais en aucun cas rater les danseurs des groupes comme Havikoro/Vicious Gems (Texas), Zulu Kingz (New York), Freshest Kids (Seattle), Ground FX (Miami), Ill Moves (Floride), Furious Styles (Arizona)… 

Le lieu : une salle de concert qui porte le nom de «Révolution » à Fort Lauderdale. 

La configuration : une salle principale où se déroulaient tous les battles et un dancefloor à l’extérieur pour les cercles et ceux qui voulaient profiter de l’air frais. 

Les juges : Poe One (Killafornia), Troll (Streetmaster Crew) et Icey Ice (Original New York City Breakers). 

Au micro : Mex One (Unique Styles Crew / Biggest&Baddest  / The Bboy Spot)

Le concept est simple : sous forme de “battles exhibitions”, les groupes s’affrontent les uns après les autres et à la fin de tous les passages, les juges ne sélectionnent  que les 16 crews jugés meilleurs. Heureusement qu’il y avait la possibilité de faire une pause à l’extérieur car effectivement, c’était très long. 

La récompense pour la patience : le concert de Big Daddy Kane et Nice ‘N Smooth en after party. Tout simplement incroyable. En tout cas, pour moi qui suis rentré dans la maison Hip Hop par la porte RAP de la fin des années 1980 et qui ai vécu la sortie des trois premiers albums de Big Daddy Kane et ceux de Nice’N Smooth entre autres, cet after party était comme une cerise sur le gâteau.

Samedi 17 Mars 2007 – Deuxième jour de l’événement : Les cercles et la release party du nouvel album du groupe Fusik.

Pas de battles organisés : que des cercles, une bonne dose d’improvisation pour certains danseurs et j’étais très impatient de vivre le live du groupe FUSIK. 

Ouverture prévue des portes : 14 heures. On nous avait prévenu que jusqu’à 18 heures, l’ambiance serait calme. Heureusement, la plage n’était pas loin, ce qui nous a permis de faire une autre pause et de se rendre compte que l’on était bien outre-Atlantique. Et même en étant sur la plage on ne pouvait pas s’empêcher de discuter break.

D’après les rumeurs et les spéculations, des règlements de compte devaient avoir lieu…Il fallait donc être au bon endroit au bon moment. 

Après avoir repris mes marques à l’intérieur de la salle, j’ai décidé de suivre les mouvements des membres du groupe Alliance, et notamment de B.Boy Punisher. Je me suis donc retrouvé dans le cercle qui s’était formé sur le dancefloor à l’extérieur. Autour du cercle : les Coréens Busters (la nouvelle génération de danseurs qui évolue autour des Gamblers), les japonais de I Love Footwork, les membres du groupe Phase T, des membres de Mind 180 (Miami), Kirk de Havikoro et beaucoup d’autres B.Boys très attentifs… 

Mon attention est focalisée sur Punisher et les membres de son groupe qui, jusque-là ne se sont pas encore manifestés. Quelques Bboys rentrent pour proposer des invitations sous formes de passages rapides exécutés très proprement. La sauce prend petit à petit, des regards sont lancés, le cercle se rétrécit. En fond musical, c’est  le début du live de FUSIK mais impossible de partir. J’attendais juste le passage qui allait tout déclencher pour justement mettre en marche mon Sony Dcr PC8. 

Du côté français, c’est Amaury (Alliance) qui entre plusieurs fois, toujours le sourire aux lèvres. Punisher est calme, les bras croisés, il observe attentivement, ses écouteurs dans les oreilles, comme pour insister sur le fait qu’il est vraiment sur une autre planète. Je sentais que le moment que j’attendais allait venir… Un danseur exécute un Ninety (en appuie sur une main, tout le corps en rotation) : sans hésiter, Punisher saisit l’occasion et propose le sien. Il en a fait de meilleurs, mais le niveau est posé : plus de six tours. Les mains se lèvent, en reconnaissance de son passage. Satisfait, je retourne dans la salle principale où les cercles sont plus axés sur l’échange de toprocks (des pas de préparation, danse debout avant de descendre au sol) et de footworks (danse au sol). Au bout d’une bonne heure, je décide de quitter le cercle et de me poser devant le live de FUSIK. Ce groupe est incroyable. A la fin du live, un after est proposé à ceux qui souhaitent continuer à danser, avec aux platines, DJ Jazzy Jay. Mais sur des conseils avisés de locaux, nous décidons de quitter la salle «Revolution » pour un autre concert live dans le sud de Miami : Les Spam All Stars. Tout au long de la soirée, toujours des cercles, avec des B.Boys locaux.

Pas de battles organisés : que des cercles, une bonne dose d’improvisation pour certains danseurs et j’étais très impatient de vivre le live du groupe FUSIK. 

Ouverture prévue des portes : 14 heures. On nous avait prévenu que jusqu’à 18 heures, l’ambiance serait calme. Heureusement, la plage n’était pas loin, ce qui nous a permis de faire une autre pause et de se rendre compte que l’on était bien outre-Atlantique. Et même en étant sur la plage on ne pouvait pas s’empêcher de discuter break.

D’après les rumeurs et les spéculations, des règlements de compte devaient avoir lieu…Il fallait donc être au bon endroit au bon moment. 

Après avoir repris mes marques à l’intérieur de la salle, j’ai décidé de suivre les mouvements des membres du groupe Alliance, et notamment de B.Boy Punisher. Je me suis donc retrouvé dans le cercle qui s’était formé sur le dancefloor à l’extérieur. Autour du cercle : les Coréens Busters (la nouvelle génération de danseurs qui évolue autour des Gamblers), les japonais de I Love Footwork, les membres du groupe Phase T, des membres de Mind 180 (Miami), Kirk de Havikoro et beaucoup d’autres B.Boys très attentifs… 

Mon attention est focalisée sur Punisher et les membres de son groupe qui, jusque-là ne se sont pas encore manifestés. Quelques Bboys rentrent pour proposer des invitations sous formes de passages rapides exécutés très proprement. La sauce prend petit à petit, des regards sont lancés, le cercle se rétrécit. En fond musical, c’est  le début du live de FUSIK mais impossible de partir. J’attendais juste le passage qui allait tout déclencher pour justement mettre en marche mon Sony Dcr PC8. 

Du côté français, c’est Amaury (Alliance) qui entre plusieurs fois, toujours le sourire aux lèvres. Punisher est calme, les bras croisés, il observe attentivement, ses écouteurs dans les oreilles, comme pour insister sur le fait qu’il est vraiment sur une autre planète. Je sentais que le moment que j’attendais allait venir… Un danseur exécute un Ninety (en appuie sur une main, tout le corps en rotation) : sans hésiter, Punisher saisit l’occasion et propose le sien. Il en a fait de meilleurs, mais le niveau est posé : plus de six tours. Les mains se lèvent, en reconnaissance de son passage. Satisfait, je retourne dans la salle principale où les cercles sont plus axés sur l’échange de toprocks (des pas de préparation, danse debout avant de descendre au sol) et de footworks (danse au sol). Au bout d’une bonne heure, je décide de quitter le cercle et de me poser devant le live de FUSIK. Ce groupe est incroyable. A la fin du live, un after est proposé à ceux qui souhaitent continuer à danser, avec aux platines, DJ Jazzy Jay. Mais sur des conseils avisés de locaux, nous décidons de quitter la salle «Revolution » pour un autre concert live dans le sud de Miami : Les Spam All Stars. Tout au long de la soirée, toujours des cercles, avec des B.Boys locaux.

Dimanche 18 Mars 2007 – Troisième jour de l’événement : Battle, Battle, Battle…

L’installation s’est faite tranquillement. Les DJs : Skeme Richards, Magic et Ben (France) sont au contrôle. Une tension était palpable, avec l’attente de l’annonce des 16 groupes retenus. Mex One, speaker depuis le début de l’événement, annonce les groupes sélectionnés. Précisons que l’organisation a procédé à un tirage au sort dans les backstages, avec la formation de poules, pour éviter par exemple que les deux groupes Français se rencontrent. On retrouve en quart de finale, Prison Breakers (Espagne) face à Busters (Séoul), les Zulu Kings face à Havikoro/ Vicious Germz, Alliance face à Powerful Impact (Boston), et enfin Furious Styles face à Phase T. À ce stade, tous les battles allaient être intéressants et loin d’être ennuyeux ! 

En demi-finale, on allait retrouver Busters face à Havikoro / Vicious Germz, et Powerful Impact face à Furious Styles. Et en finale, Powerful Impact l’emporte face à Havikoro / Vicious Gems. 

https://www.facebook.com/101730091590177/videos/2554716381459390

Les souvenirs qui me sont restés de cette dernière journée :

La tenue des Prisons Breakers, tous en beige, une armée…même si la tenue ne remplace pas le style, elle donne quand même un petit effet sympathique. La face tantôt grimaçante tantôt souriante de Bboy Noodle (Busters). Les sons et les mixes de DJ Magic et de DJ Ben et Dj Skeme Richards qui ne mixe qu’avec des vinyls 45 tours. 

Le premier passage de Bboy Furious (Busters) : entrée saut périlleux vrillé suivi d’un enchaînement de Tricks (combinaison de freezes, les freezes étant des poses acrobatiques) parfaitement maîtrisé, retour en Toprocks en phase avec la musique, ceci enchaîné avec un footwork basique, suivi de vrilles (phase où l’on saute d’une main à l’autre) en appuie sur le coude, pour finir par un 2000 (rotation en équilibre sur les deux mains jointes)… ça claque !

Le feeling de Kirk d’Havikoro, l’arrogance stylée de Marlon de Vicious Gemz et son premier passage face a Powerful Impact : top rocks et footworks fluides, attitude et présence cohérentes, en phase avec sa danse.

La vrille à une main de Punisher, qui laisse tout le monde scotché. Les neuf tours de ninety de Juju (Phase T) face au Furious Styles. 

L’autorité du speaker : lors d’un passage, Lil’Kev (Phase T) s’approche un peu de trop d’une B.Girl de Furious Styles, Mex One, interrompt le battle et décrète  l’éventuelle disqualification du crew si un danseur venait à en toucher un autre ou une autre. Personne ne branche. 

Pendant une courte pause, je me suis échappé dehors pour voir l’ambiance des cercles et je suis content de l’avoir fait car j’ai pu assister à un passage de B.Girl Anne, dont je suis un fan absolu. Ma caméra était une extension de mon bras à cette époque, ce qui me permet de partager ce passage avec vous dans cette vidéo ainsi que quelques moments choisis de ce petit voyage. 

Un petit récap donc de ce que j’ai pu filmer : https://www.facebook.com/1426128066/videos/1627270408079 

 

Pour en savoir plus :

Le trailer de l’évènement annonçant la sortie du DVD : https://www.youtube.com/watch?v=F1mNnDlC4iM 

Interview de Icey Ice (Magnificent Force – New York City Breakers) enregistrée lors de l’événement : https://www.youtube.com/watch?v=2ZU0GibdxX0

Fusik – Cypher black : https://www.youtube.com/watch?v=96BMbhleykc